Amérique du Nord, 1774. Un géant aux longs cheveux blonds parcourt silencieusement la forêt, Il porte une veste de fourrure qui dévoile une musculature impressionnante. Il s’appelle Blek le Roc, c’est un trappeur américain et il combat l’oppresseur anglais, c’est-à-dire les tuniques rouges. Accompagné par le jeune Roddy et le génial professeur Occultis, deux faire-valoir qui apportent une note comique aux histoires, il vit dans la forêt avec ses trappeurs mais ses missions, souvent commandées par l’avocat Maître Connolly, le chef de la résistance, l’entraînent un peu partout (et même dans une civilisation viking : Kiwi n° 7 à 11, le trésor d’Akbad).
Blek le Roc n°1 - Le roi des forêts - Editions LUG 5 juillet 1963
Le premier épisode de Blek s’intitule « Le roi des forêts » et l’on découvre le grand Blek songeur, lorsque soudain des cris attirent son attention…
Blek le Roc - Héros idéaliste
Scénarios et dessins peuvent paraître simplistes aux yeux de certains, néanmoins Blek fit rêver plusieurs générations de lecteurs, qui se souviennent avec nostalgie de quelques histoires marquantes. Laissons-nous aller à évoquer la Chauve-Souris, cet espion anglais insaisissable et cagoulé qui meurt en gardant son secret; la lutte contre les terribles hommes-lynx (inspirée d’un film où Gary Cooper tenait le rôle principal); Peter Van Peter le Hollandais fantôme sorti de sa tombe pour soulever les tribus indiennes; le capitaine Savage, l’une des meilleures lames d’Amérique qui provoque Blek en duel en lui tendant un piège.
Idéaliste, prêt à se sacrifier pour la cause de la liberté, Blek le Roc incarna un modèle de loyauté et de générosité qui ne pouvait que susciter l’admiration inconditionnelle de ses lecteurs.
On pourra d’ailleurs comparer, et opposer, l’humanisme du chef des trappeurs, évitant toute violence inutile, capable de pardonner à ses ennemis, et l’impitoyable Tex Willer, prêt à saisir le moindre prétexte pour rosser un adversaire. Blek a eu le mérite de précéder la mode des trappeurs consécutive aux téléfilms de Davy Crockett produits par Walt Disney en 1955. C’est plutôt dans les romans de Fenimore Cooper et Zane Grey que les auteurs ont puisé leur inspiration.
Blek le Roc - Les créateurs
Paru, comme la plupart des bandes dessinées italiennes d’aventures de cette période, sous forme de «strisce», Il Grande Blek, né le 3 octobre 1954, est l’œuvre d’un studio formé par trois dessinateurs originaires de Turin qui se servaient de leurs initiales pour signer du sigle Esse-G-Esse : Giovanni Sinchetto (1925-1991), Dario Guzzon (1926) et Pietro Sartoris (1926-1989).
Leur association prit naissance avec Kinowa en 1950, un western écrit par Andrea Lavezzolo. L’année suivante, ils réalisent Miki. Flanqué de deux compères, Double-Rhum et Saignée, ce capitaine des rangers rétablit l’ordre dans le Nevada. Mais une mésentente avec leur éditeur, Dardo, les contraint à abandonner Miki et Blek aux mains d’une nouvelle équipe d’auteurs qui ne parviendront jamais à retrouver l’esprit de ces bandes.
Sinchetto et ses deux complices se consacrent alors à Alan Mistero (Ombrax), un justicier maître du déguisement, et au Comandante Mark (Cap’tain Swing).
Blek le Roc - Les parutions en France
C’est le 10 septembre 1955 que les Éditions LUG traduisent Blek (sous le titre générique Le Petit Trappeur privilégiant ainsi, curieusement, Roddy) dans Kiwi, un pocket mensuel appelé à connaître un vaste succès. Chaque numéro de Kiwi adaptait quatre «strisce» hebdomadaires. Vu la différence de format, les couvertures italiennes ne convenaient pas. Celles de Kiwi étaient donc un travail spécifique pour l’éditeur lyonnais. Il fut confié à un excellent graphiste, l’Italien Antonio Canale (sans doute plus connu sous le nom de Tony Chan, pseudonyme qu’il employait pour signer Amok). Canale, auteur des 51 premières couvertures, a su valoriser les personnages du studio Esse-G-Esse.
Les planches de Esse-G-Esse sont parues dans Kiwi du n° 1 au n° 137.
A partir du n3 178 de Kiwi, le personnage ayant cessé de paraître en Italie, les Éditions LUG le poursuivent en épisodes inédits. Ils sont réalisés majoritairement par le prolifique Carlo Cedroni, mais certains dessinateurs français s’attaquent au célèbre trappeur :
André Amouriq a dessiné 47 récits, dans un style sans doute trop caricatural.
• Jean-Yves Mitton a fourni 22 récits à travers lesquels, avec l’aide de son scénariste et complice Marcel Navarro, il a su parer Blek d’une dimension épique.
• Le jeune et talentueux Ciro Tota est l’auteur de six récits à ne pas manquer.
Parutions ensuite dans Blek aux éditions LUG.
Gérard Thomassian