L’agent Secret X9 est né aux Etats-Unis, dans les années 1930, en pleine crise économique, lorsque le FBI luttait contre les gangs, remportant quelques succès, parmi lesquelles la capture du fameux gangster « Machine Gun » Kelly, célèbre inventeur de la formule « G. Men » (Government men), ainsi que l’exécution des légendaires Bonnie Parker et Clyde Barrow. C’est dans cette atmosphère de violence et de trafiques en tous genres que l’Agent X9 entre en scène, le 22 janvier 1934, pour lutter contre un puissant et mystérieux chef de gang : le Dominateur.
Agent Secret X9 - Naissance d'un héros de BD
En ce temps, les dessinateurs de bandes dessinées américaines se partageaient la planète. Foster s’était octroyé le monde exotique de Stanley et Livingtsone pour son Tarzan alors qu’en bordure de l’impénétrable jungle on entrevoyait déjà la danse onirique des aventures de Raoul et Gaston, justiciers juvéniles au cœur d’une Afrique sauvage, tandis que Buck Rogers errait dans un 25è siècle naïf et romanesque et que Brick Bradford se trouvait projeté dans un univers de civilisations perdues et de mondes à découvrir. Et puis, il y eu le succès fulgurant de Dick Tracy.
Agent secret X9 contre Dick Tracy
Au cours de l’année 1933, la KFS décida la création d’une série policière dans le but de concurrencer Dick Tracy. La bande devait être publiée dans les journaux de la chaîne Hearst ; ce dernier allait persuader un réticent Dashiell Hammett d’en devenir le scénariste, ce qu’il accepta finalement devant les conditions favorables qui lui étaient offertes. W.R. Hearst ordonna alors à Joe Connolly, directeur de la King Feature, d’organiser un concours afin de découvrir le dessinateur le plus capable de réaliser les idées de Hammett.
Ce concours mit en concurrence principalement Will Gould et un certain Alexander Raymond qui devait bientôt se distinguer par la création de Flash Gordon et de Jungle Jim. Raymond sortit vainqueur de la compétition et commença à dessiner Agent Secret X9, tandis que sur les conseils d’Hammett, Will Gould mettait en chantier Red Barry. Le mois de janvier 1934 vit ainsi la création de trois bandes de Raymond: le 7, sur une même page. Flash Gordon et Jungle Jim, puis le 22 les premiers strips de l’épisode de X9 contre le Dominateur.
Dans ses aventures, Dick Tracy cotoyait l’horreur, son destin le mettait aux prises régulièrement avec d’abominables personnages portant le masque du sang, effroyable galerie de monstres soigneusement gardée par le serviteur rayonnant de l’ordre, le « Mickey » de la bande dessinée réaliste, qu’était Tracy, fiancé et installé, représentation type du héros rassurant.
Le style d'Alex Raymond
Pour l’agent secret X9, il en va tout différemment. X9 est un personnage, de par son essence, trouble, mystérieux dans son nom, ses origines, ses pensées. On ne peut pas saisir ses motivations fondamentales, rien n’est dit. Il persiste sur une fixation névrotique à résoudre l’énigme, à faire la lumière sur un monde grouillant et crasseux animé par le seul désir de l’argent.
Les personnages des aventures de X9, particulièrement dans la « lutte contre le Dominateur » ont des yeux et des visages fascinants. Ils évoquent souvent le chef d’œuvre de Fritz Lang, M Le Maudit. Hammett a su dans cette ambiance grisâtre créer un romantisme de l’action et de la tuerie, si l’on ose dire. Il glisse même une note d’espérance en montrant que même chez ses personnages les plus cyniques, pour qui tuer ne représente plus rien, l’amour transcende leur volonté de vivre.
Avec une dextérité sans égal, Alex Raymond transcrira la formidable sensibilité de Dashiell Hammett, permettant à cet épisode de se hisser au rang des classiques du genre. Au moment où apparait le personnage de l’agent secret X9 nous sommes à l’orée d’un bouleversement dans le genre policier. Dashiell Hammett jouit déjà d’une réputation énorme aux Etats-Unis, alors qu’en France le genre stagne dans le roman à problèmes. Les collections « le Masque » « l’Empreinte » et « A ne pas Lire la Nuit » dominent promotionnant Agatha Christie, Edgar Wallace, John Dickson Carr et d’autres auteurs de moindre renommée comme Phillips Hoppenheim ou Fergus Hume. Il faudra attendre « les Chefs d’Œuvres du Roman d’Aventures » de chez Gallimard pour voir enfin apparaître le nom de Hammett avec « la Moisson Rouge », « Sang Maudit » et « le Faucon de Malte » dans la collection « le Scarabé d’Or ». Black Mask a déjà publié aux USA en 1923 les aventures du commental Op de Dashiel Hammett et en 1929 le Faucon Maltais. Il faudra en France attendre 1945 pour que Marcel Duhamel et sa Série Noire sortent Horace Mac Coy, Peter Cheney, H.J. Chase, Chester, Himes, David Goodis et bien d’autres.
X9 - Après Alex Raymond
Pour en revenir à X9, c’est donc le 22 janvier 1934 qui marque le début de ses aventures dans les tribunes de l’Evening Journal. Mais malgré le succès considérable de la bande, Dashiell Hammett interrompt sa collaboration en février 1935 dans le cours de l’épisode « l’Affaire Martin ». Raymond resta seul, accablé de travail, avant d’abandonner lui aussi pour se consacrer à ses autres succès Flash Gordon et Jungle Jim, bien qu’un nouveau scénariste soit entré en fonction, Leslie Charteris, le célèbre auteur du Saint.
Le 1 janvier 1936, c’est Charles Flanders qui dessine X9. Bien que la KFS voit en lui un dessinateur capable de remplacer efficacement Alex Raymond, celui-ci, malgré son talent, fait perdre à la série cette colloration noire et chaleureuse qui lui donnait tout son charme. Flanders ne tarda guère à perdre son scénariste et à se retrouver seul, abandonnant finalement la destinée de X9 aux mains de Nicolas Afonski, le 11 avril 1938.
Afonski, malgré un style personnel d’un intérêt certain, ne parvient qu’à accélérer la chute et le 7 novembre 1938 c’est Augustin Briggs qui hérite de notre agent secret lui redonnant un regain de vitalité par la souplesse de son trait, dans une atmosphère nouvelle. Des femmes au teint fatal et aux cheveux blonds platinés accompagneront ce nouveau souffle de l’aventure dans le sens « noir » du terme.
Mais le 13 mai 1940, la série va tomber au niveau des bandes sans personnalités avec Mel Graff, plongeant X9 dans le monde des contribuables numérotés, le métamorphosant en « Phil Corrigan » marié et père de famille. Il le dessinera jusqu’en mars 1960 mis à part un bref passage de Paul Norris d’avril à août 1943. Bob Lubbers (qui signa Lewis), ex-dessinateur de Tarzan, continuera jusqu’en 1967 ou Al Williamson poursuivra la série.
P. MELLOT
Agent secret X-9 par Alex Raymond paru en langue française
Avant-guerre
Aventures du n° 2 de la 2ème année au n° 35 de la 2è année.
Jumbo du n° 51 de la 4è année (1938) au 23 6è année (1940)
«Agent Secret X-9 contre la Fouine» (Aventures et Mystères n° 15 – réédité après-guerre dans Aventures et Mystères n° 36).
«Agent Secret X-9» roman, illustré des images des épisodes : «L’Affaire Martin» et «Les pistolets silencieux» (réunion de 3 fascicules en 1 album souple) HACHETTE 1935.
Après-guerre
Album CELEG : «La lutte contre le Dominateur» – Supplément à Giff Wiff n° 22 (1967) avec une préface de Bernard Trout.
Héros du Mystère :
«Le Dominateur» du n° 1 au n° 4 — fin dans le Spécial HS Vacances de juin 1967.
«L’Affaire des fusils silencieux» : Spécial HS Vacances de juin 1967
« L’Affaire Martin » n°5 & n°6
«L’enlèvement de Philip Saw n° 6 au n 7.